Réel espoir ou simple illusion ?

Publié le par Jakes Bortayrou

 

 

 

La proposition présentée le 28 septembre devant le parlement de Gasteiz par J.J. Ibarretxe ouvre une nouvelle perspective. Pour beaucoup elle suscite un espoir parce qu’elle survient dans une période de désenchantement après l’échec de deux ans de contacts et négociations secrètes, aujourd’hui dévoilées, échec entraînant inévitablement une rupture de la trêve. Entre répression accrue tous azimuts et résistance épuisante, la reprise de la lutte armée n’offre en effet guère de perspective motivante car il parait difficile, au vu de l’expérience des années passées, qu’elle puisse créer des conditions politiques plus favorables (accumulation des forces, usure de l’adversaire, soutien international...) à une issue négociée au conflit. 

 

Mais les éléments qui font craindre que cette perspective ne soit qu’une simple illusion ne manquent pas. Le précédent du « Plan Ibarrretxe » est dans toutes les mémoires, stoppé net par le niet des Cortes et qui ne vit jamais se réaliser la consultation promise. La pratique politique du Gouvernement basque est, elle aussi, parlante. Jamais les menaces de confrontation avec Madrid concernant par exemple la retenue sur le « cupo » des sommes correspondant aux compétences non transférées du Statut n’ont été suivies d’effet.

 Le PNV a d’ailleurs  toujours choisi depuis la transition de 77 la voie de la conciliation et de l’accord avec Madrid. Après 25 ans passés à la tête des institutions de la Communauté autonome il a, plus que d’autres, beaucoup à perdre. Même s’il garde une base populaire importante, il reste le parti de la bourgeoisie basque installée dans ses prérogatives et attachées à ses avantages acquis qui craint plus que tout l’instabilité politique et institutionnelle. Il redoute sûrement aussi le syndrome « Trimble » qui en Irlande, a fait du principal artisan des accords de paix coté unioniste, le grand perdant du changement politique.

 La question de l’objectif réel d’Ibarretxe peut donc être légitimement posée: construire les bases de résolution du conflit ou obtenir un statut amélioré ? Le droit de décider qu’il veut faire reconnaître est-il autre chose qu’une demande suffisamment haute pour obtenir des concessions moindres ? Enfin les opérations électoralistes vis à vis des secteurs souverainistes ne sont pas à écarter quand on se souvient des 80 000 voix gagnées à la gauche abertzale après la rupture de la trêve de 99.

 Tous ces éléments et ces questions demeurent et doivent conduire à la prudence. Reste que la répétition ad vitam eternam de la même logique n’est jamais sûre. La proposition Ibarretxe introduit une rupture dans le temps politique. En définissant des étapes précises, des dates et des procédures concrètes, elle amorce un compte à rebours dont Ibarretxe lui-même ne pourrait se dédire sans un coût politique majeur. Dès lors la réponse de toutes les forces abertzale ou simplement démocratiques peut-elle être autre que : chiche ? Ne souligner que les doutes ne va-t-il pas fonctionner comme une prophétie auto-réalisatrice ? On n’y croit pas, on ne fait rien pour que ça marche, la société n’est ni mobilisée ni motivée, un front informel de l’inertie se constitue, la marge de manœuvre d’Ibarretxe se réduit d’autant et ça ne marche effectivement pas. Qui y gagnerait ?

 En Navarre et en Iparralde où la question du statut juridico-politique de ces territoires composant le Pays basque ainsi que celle du droit de ses habitant-e-s à décider de leur avenir se posent également, cette perspective peut être l’occasion de mettre en oeuvre une stratégie asymétrique, adaptée à chaque territoire qui permet de confluer, de converger vers un avenir commun à tous les habitants du Pays basque. Si Ibarretxe n’a ni le pouvoir ni la légitimité pour organiser une consultation au-delà des trois provinces, c’est aux forces abertzale des autres territoires de travailler pour qu’y soit aussi donnée la parole au peuple même si c’est dans des conditions et avec des rythmes différents.

 En Pays basque Nord la question de la consultation des habitant-e-s sur la reconnaissance institutionnelle de leur territoire est déjà posée de façon exemplaire par BATERA. La réalisation d’une consultation dans la CAB ne pourra que souligner davantage le déni de démocratie dont sont victimes les Basques du Nord si l’Etat français, le Parlement et le Conseil général continuaient à faire la sourde oreille. Comme le prévoyait la motion votée lors de l’AG de janvier 2004, la plateforme BATERA pourrait alors faire appel aux maires de ce pays pour qu’ils/elles répondre à cette demande citoyenne sous peine de discréditer encore plus les procédures démocratiques, le système politique et d’affaiblir encore la confiance des citoyen-ne-s dans leurs élu-e-s.

 Jakes Bortayrou

 

 

 

 

Publié dans Nazio garapena

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