Ralliements

Publié le par Jakes Bortayrou

 

 

La confirmation du ralliement de Martine Bisauta et de Bernard Causse à Grenet pour les municipales de mars 2008 a été un petit coup de tonnerre dans le ciel bayonnais. Passées les premières réactions émotionnelles et laissant de côté les procès en trahison, il faut réfléchir et analyser les ressorts politiques de ce évènement qui, s’il ne changera pas la face du monde, ni même celle de Bayonne, n’en reste pas moins emblématique.

 

 

 

Emblématique d’une époque à laquelle Sarkozy imprime sa marque. Le débauchage de personnalités de la gauche française et leur ralliement au gouvernement a rompu de nombreuses digues et renforcé l’idée qu’en politique rien ne doit plus nous étonner. Loin de faire bouger les lignes c’est à leur brouillage total qu’on assiste. Tout semble se valoir. Et une chose devenir son contraire. Se rallier aux puissants plutôt que les combattre devient un acte de courage. Abandonner son camp pour rejoindre celui d’en face passe pour de la haute tactique politique. Les dégâts sont terribles en terme de crédibilité du combat et de l’engagement politique. Il n’existerait grosso modo qu’un seul monde possible, celui existant aujourd’hui et la politique n’agirait qu’à la marge, dans les détails, les ajustements. Et c’est l’espoir, l’idée même d’une possible alternative qui prend une méchante claque.

 

Emblématique aussi d’une position politique récurrente, maintes fois tentée, éprouvée et dont les effets ont été largement prouvés en différents endroits et à différentes époques : « on ne peut agir efficacement que dans la majorité. » Cette affirmation un peu tautologique (ceux qui sont au pouvoir ont évidemment un certain pouvoir...) sous-entend que l’opposition est impuissante, que la minorité est réduite au silence, que le pouvoir des mouvements sociaux et de la société civile est inexistant. Point de vue pourtant largement démenti au Pays basque où le changement des mentalités comme de la réalité vient plus souvent des initiatives sociales que du champ politique. Bref, rien d’autre qu’une vision au fond très conservatrice : faire de la politique c’est être « aux affaires ». Tout le reste n’est que du folklore.

 

 

Derrière son pragmatisme bon teint c’est une position de renoncement qui masque une question plus fondamentale, autant morale que politique: « peut-on agir dans n’importe quelle majorité ? » Question qui en appelle d’autres. Peut-on découper l’action politique en rondelles ? Faire fi de la logique d’un projet d’ensemble, de la continuité d’une politique, de textes et délibérations déjà actées qui vont l’encadrer pour plusieurs années, en espérant  sur un dossier  faire avancer une politique contraire ? Peut-on n’assumer que ses propres responsabilités en laissant de côté ceux de l’équipe au pouvoir ? Peut-on espérer capitaliser pour soi-même le travail effectué au sein d’une équipe et au service de son chef de file omniprésent ? Peut-on transformer un notable autocrate en autre chose ?

 

 

Une autre question se pose concernant cette fois la démocratie représentative. Certes, celle-ci faute de mécanismes de démocratie directe et/ou participative donne un chèque en blanc aux élu-e-s pour toute la durée de la mandature. Mais rejoindre, sans l’avoir au préalable défendu publiquement devant les électeurs/trices, ceux et celles contre lesquels on a été élu, abandonner le mandat d’opposition à une politique qu’on a reçu dans les urnes posent un sérieux problème. Qu’en pensent les électeurs/trices qui ont voté pour les rallié-e-s, pour ce qu’ils/elles défendaient, ce qu’ils/elles représentaient ?

 

 

Après deux mandatures dans l’opposition à sa gestion, le ralliement de personnalités fortement marquées politiquement (syndicaliste, écologiste, féministe) est pour Grenet un bol d’oxygène. Idées, savoir-faire et compétences nouvelles pour l’aider à se maintenir en place. Changements cosmétiques pour ne rien changer de fondamental. La dynastie Grenet est usée. Le ralliement de M. Bisauta et de B. Causse est une aubaine en terme d’image plus qu’en terme de voix. Elle permet de redorer un blason plus que défraîchi.

 

 

Bayonne a toujours besoin d’une véritable alternative et en attendant d’une opposition forte et organisée. Bayonne a besoin de ruptures, de nouvelles orientations en tant que capitale du Pays basque Nord, pour être au service de l’amélioration des conditions de vie des classes populaires qui y sont majoritaires et surtout pour inventer entre tou-te-s une autre façon citoyenne de réfléchir aux problèmes quotidiens, de débattre des solutions et de prendre les décisions qui engagent l’avenir de tou-te-s.

 

 

Jakes Bortayrou

 

Publié dans Berriak - Infos

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